Apocryphe de Jean

Ceci est l’enseignement du Sauveur et la révélation des mystères qui sont cachés dans le silence et de ceux qu’il avait enseignés à Jean son disciple.

Cela arriva pendant l’un de ces jours où Jean, frère de Jacques – les fils de Zébédée – était monté à Jérusalem. Alors qu’il était monté au Temple, un pharisien du nom d’Arimanias s’approcha de lui et lui dit : « Où est ton maître, celui que tu suivais ? » Jean lui dit : « Il est retourné dans le lieu d’où il était venu. » Le pharisien lui dit : « Ce nazôréen vous a entraînés dans l’erreur et vous a empli les oreilles de mensonges. Il a fermé vos cœurs et vous a détournés des traditions de vos pères. »

Lorsque j’entendis ces propos, je me détournai du Temple, me dirigeant vers la montagne, vers un lieu désert. J’étais très affligé en mon cœur et je disais : « Comment le Sauveur a-t-il donc été mandaté ? Pourquoi a-t-il été envoyé dans le monde par son Père qui l’a envoyé ? Qui est son Père ? Et de quelle nature est cet éon vers lequel nous irons ? » Que voulait il dire quand il nous a dit que cet éon où nous irons avait reçu l’empreinte de l’éon incorruptible, mais ne nous a pas instruits de ce dernier en nous disant de quelle nature il était ?

A cet instant, alors que je pensais à cela, les cieux s’ouvrirent, la création entière s’illumina d’une lumière apparue en [dessous des] cieux et le monde entier fut ébranlé. Je fus effrayé, et voici que je vis dans la lumière un jeune debout auprès de moi. Alors que je le regardais il devint semblable à un vieillard. Puis il changea son apparence devenant semblable à un serviteur.
C’était une [image] ayant de multiples formes dans la lumière, dont les aspects se manifestaient mutuellement et dont l’aspect avait une triple forme.

Il me dit : « Jean, Jean, pourquoi doutes-tu ? Pourquoi as-tu peur ? Tu n’es pas étranger à cette image, n’est-ce pas ? – c’est ainsi, ne sois pas timide ! - Je suis avec vous en tout temps. Je suis le Père, je suis la Mère, je suis le Fils. Je suis sans souillure et sans mélange. Maintenant je suis venu pour t’instruire de ce qui est, de ce qui a été et de ce qui doit advenir, afin que tu connaisses les choses non-manifestées comme les choses manifestées et que je t’instruise au sujet de la race inébranlable de l’Homme parfait.
« Maintenant donc lève ton visage, afin que tu reçoives ce que je t’enseignerai aujourd’hui et que tu le présentes à tes compagnons spirituels qui font partie de la race inébranlable de l’Homme parfait. »

Alors moi, j’interrogeai afin de comprendre cela. Il me dit : « La monade est une monarchie qui n’a rien au dessus ; elle est le Dieu et Père de toute chose, l’Invisible qui est au dessus de tout, qui est dans l’Incorruptibilité, étab[li dans la] lumière pure qu’aucun oeil ne peut regarder. Il est l’Esprit invisible.

« Il n’est pas convenable de le [concevoir] comme (on conçoit) les dieux ou en des termes similaires. Il est en effet plus qu’un dieu car nul n’existe au-dessus de lui, car nul ne le domine. Il n’existe] pas (non plus) en quelque chose qui lui soit inférieur, [puisque tout] existe en lui seul. [Il est éternel] puisqu’il n’a pas besoin [de quoi que ce soit], car il est absolument parfait. 5 Il ne [manque de] quoi que ce soit qui puisse le rendre (plus) parfait. Il est [au contraire] totalement parfait en tout temps dans la lumière. Il est illimité car nul n’existe avant lui pour le limiter. Il est indistinct car nul n’existe avant lui pour lui [imposer une distinction]. Il est incommensurable car nul [n’a existé avant lui pour le mesurer]. Il est in[visible car] nul ne l’a vu. [Il est éternel, existant] éternellement. Il est indicible, car nul ne peut l’appréhender et d’en parler. [Il est in]nommable car [nul n’existe avant lui] pour lui donner un nom.

« Il est [une lumière incommensurable], sans mélange, sainte [et pure.] Il est l’indicible, [parfait] dans (son) incorruptibilité. « Il n’est ni perfection, ni béatitude, ni divinité, mais il est bien supérieur (à ces notions). Il n’est ni corporel ni incorporel, ni grand ni petit. Il n’existe pas de moyen qui permette de le quantifier ou le qualifier, car personne ne peut le connaître. Nul ne peut en effet [le penser], (car) il ne fait pas partie de ceux qui existent, mais (leur) est bien supérieur, non du fait de sa supériorité, mais en lui-même, son essence ne fait pas partie des éons ni du temps. Car si quelqu’un fait partie d’un éon c’est que d’autres ont préparé cet (éon) antérieurement pour lui. Il n’a pas été soumis à une division temporelle puisqu’il n’a rien reçu d’un autre, ce que l’on reçoit est un emprunt (fait à un autre). Or celui qui est premier n’existe pas de façon à recevoir de lui-même. Et c’est plutôt le dernier à regarder sa lumière dans l’expectative.

« Car la perfection est majestueuse. Il est le pur, esprit incommensurable. (Il est) éon, dispensateur d’éon, vie, dispensateur de [vie], [bien]heureux, dispensateur de béatitude, connaissance, dispensateur de connaissance, bien, dispensateur de bonté, miséricordieux, dispensateur de miséricorde et de salut, grâce, dispensateur de grâce, [non] parce qu’il possède mais parce qu’il donne la lumière incommensurable et incorruptible.


« [Comment parlerais-je] de lui [avec toi] ? Son [Éon] est indestructible, en quiétude et [se reposant en silence], (lui qui) est préexistant [à toute chose. Il est] en effet la tête de [tous] les Éons [et] c’est lui qui leur donne consistance par sa bonté. Nous, [nous ne connaissons] de [ces choses incompréhensibles ni] ne comprenons de ces choses [incommensurables] que ce [qui] a été amené par lui, le Père. C’est lui [seul] qui nous a parlé. Lui (l’Esprit) se regarde lui [même] dans sa (propre) lumière qui [l’]entoure, c’est-à-dire la source d’eau vive, et il produit [tous] les éons. En toute forme, il conçoit sa propre image en la voyant dans la source de l’Esprit, en exprimant sa volonté par l’eau lumineuse qui se trouve dans la source de l’eau de lumière pure qui l’entoure.

« La source de l’esprit s’écoula, venant de l’eau vive de la lumière. Et il présida et irrigua tous les éons et des mondes. En toutes leurs formes il pensa sa propre ressemblance en la contemplant dans l’eau de lumière pure qui l’entoure. Et son unique-pensée devint réalité, se manifesta et se tint devant lui, dans le issue du flamboiement de la lumière. Elle est la première [puissance] (celle) qui a existé avant toutes ceux [qu’elle a manifestés] par sa pensée. Elle est la Pronoia de toutes choses, la lumière [qui illumine, l’image de la] lumière de (l’Esprit). (Elle est) la Puissance [parfaite] qui est l’image de l’invisible Esprit virginal (et) parfait. [Elle est la première] puissance, la gloire de Barbélô, gloire parfaite dans les éons, gloire de la manifestation. Elle rendit gloire à l’Esprit virginal et le loua car c’est de lui qu’elle avait été manifestée. Elle qui est la première Pensée, l’image de cet (Esprit), elle fut la matrice de tout car elle existe avant eux tous. (Elle est) la Mère-Père, l’Homme primordial, l’Esprit Saint, le triple mâle, la triple puissance, le triple nom androgyne, l’Éon éternel parmi les (éons) invisibles et la première (à être) sortie.

« Elle (Pronoia) demanda à l’invisible Esprit virginal, qui est Barbélô, que lui soit donnée (la) prescience. Et l’Esprit fit un signe d’assentiment. Lorsqu’il eut fait un signe d’assentiment, Prescience apparut et se tint auprès de Pronoia, — celle qui provient de la Pensée de l’invisible Esprit virginal — rendant gloire à cet (Esprit) et à sa puissance parfaite, Barbélô, par qui elle est venue à l’existence.

« A nouveau cette Puissance, Barbèlô, demanda que lui soit donnée l’incorruptibilité. Et il fit un signe d’assentiment. Lorsqu’il eut fait un signe d’assentiment, Incorruptibilité se manifesta. Elle se tenait auprès la pensée et de la Prescience, glorifiant l’Invisible et Barbèlô car c’est par son intervention qu’elle est venue à l’existence.

« Barbélô demanda alors que lui soit donnée la vie éternelle et l’invisible Esprit fit un signe d’assentiment. Alors, du fait de son signe d’assentiment, Vie-éternelle se révéla et, se tenant (toutes) debout, elles rendirent gloire à l’invisible [Esprit] ainsi qu’à Barbélô, par l’intervention de qui elles étaient venues à l’existence.

« Et elle demanda encore que lui soit donnée la ver[ité]. Et l’invisible Esprit ayant fait un signe d’assentiment, Vérité se révéla. Alors elles se tiNrent (toutes) debout et rendirent gloire à l’Esprit invisible et Barbélô par l’intervention de qui (Vérité) était venue à l’existence.

« Telle est la pentade des éons du Père, qui s’identifie à l’Homme primordial, image de l’Invisible Esprit. Elle est Pronoia, c’est-à-dire Barbélô, ainsi que la Prescience, l’Incorruptibilité, la Vie-éternelle et la Vérité. Telle est la pentade des éons androgynes qui constitue la décade des éons, c’est-à-dire le Père.

« Et (l’Esprit) regarda vers Barbélô, par le biais de la lumière pure qui entoure l’invisible Esprit et dans son flamboiement. Et elle conçut de lui et il donna naissance à une étincelle de lumière, à l’image de la lumière bienheureuse, mais ne lui étant [pas] égale en grandeur. C’est le premier né de Mére-Père qui a été manifesté, lui qui est son unique rejeton, le premier né du Père, la lumière pure.

« Alors l’invisible Esprit virginal se réjouit de ce que la lumière était venue à l’existence, de ce qu’elle avait commencé à être manifestée par la première puissance, sa Pronoia, Barbélô. Et il oignit le premier né de sa Bonté/Messianité pour qu’il devienne parfait, (pour) qu’il n’ait aucune déficience de Bonté/Messianité puisqu’il a été oint de la Bonté/Messianité de l’invisible Esprit. Et le premier né se tint en présence de l’(Esprit) pendant que celui-ci versait sur lui (sa bonté). Et aussitôt qu’il eut reçu de l’Esprit (cette bonté), il rendit gloire à l’Esprit Saint et à la Pronoia parfaite { } par qui il avait été manifesté.

« Et (le premier né) demanda que lui soit donné un partenaire, l’intellect. L’invisible Esprit fit un signe d’assentiment et, lorsqu’il eut fait un signe d’assentiment, l’Intellect se manifesta et se tint auprès du bon/Christ, glorifiant celui-ci ainsi que Barbélô. Toutes (les œuvres qui précèdent) ont été produites en silence et (par) la Pensée.

« Alors (le Christ) voulut, par la parole de l’invisible Esprit, créer une ouvre. Et sa Volonté devint une ouvre et se manifesta avec Intellect, et la lumière le glorifiait. Et la parole suivit la Volonté, car c’est par la parole que le Christ, le Dieu autogène, a créé toute chose. (Quant à) Vie-éternelle et Volonté (d’une part) et Intellect et Prescience (d’autre part), ils se tinrent (là) glorifiant l’invisible Esprit et Barbélô car c’est d’elle qu’ils sont issus.

« L’Esprit Saint conféra (donc) la perfection au Dieu autogène, (qui est) son Fils et (celui de) Barbélô, pour qu’il se tienne en présence du grand et invisible Esprit virginal, (lui) le Dieu autogène, le Christ, lui qui a été honoré par l’esprit d’une voix forte. Il a été manifesté par Pronoia. Et l’invisible Esprit virginal a établi le Dieu autogène au dessus de toute chose. Et il lui a soumis toute autorité, ainsi que la vérité qui est en lui, afin qu’il pense toute chose lui qui a été nommé d’un nom qui est au dessus de tout nom. Ce nom en effet sera dit à ceux qui en sont dignes.

« C’est en effet de la lumière qu’est le Christ et l’Incorruptibilité, par le don de l’Esprit, que les quatre luminaires apparurent du Dieu autogène. (L’Esprit) les a désignés pour assister le (Fils). La triade est (composée de) Volonté, Pensée et Vie. La quadruple puissance, quant à elle, est (composée de) Compréhension, Grâce, Perception et Intelligence. Grâce est auprès de l’éon du luminaire Armozel, qui est le premier ange. Avec cet éon (d’Armozel) se trouvent trois autres éons : Grâce, Vérité, et Forme. Le deuxième luminaire, Oriael, est celui qui a été établi sur le deuxième éon. Avec lui sont trois autres éons : Conception, Perception et Mémoire. Le troisième luminaire est Daveïthaï, celui qui a été établi sur le troisième éon. Avec lui se trouvent trois autres éons : Compréhension, Amour et Apparence. Quant au quatrième éon, il a été établi sur le quatrième luminaire, Éléleth. Avec lui se trouvent trois autres éons : Perfection, Paix et Sagesse. Tels sont les quatre luminaires qui assistent le Dieu autogène. Tels sont les douze éons qui assistent le Fils, le grand Christ autogène, par la volonté et le don de l’Esprit invisible. Ces douze éons appartiennent au Fils d’autogènes et c’est par la volonté de l’Esprit Saint que toutes choses ont été établies à travers les Autogènes.

« C’est de la Pre[science] de l’Intellect parfait, par la manifestation de la volonté de l’invisible Esprit ainsi que la volonté de l’Autogène, (que proviennent) l’Homme parfait, premier manifesté, et la Vérité. C’est lui que l’Esprit virginal a nommé : Pigéra-Adamas. (L’Esprit) l’établit sur le premier éon avec le grand Christ autogène, auprès du premier luminaire Armozel et des puissances qui sont avec lui. Et l’invisible (Esprit) lui donna une puissance intellectuelle invincible. Et il parla, et glorifia et bénit l’invisible Esprit en disant : « C’est à cause de toi que tout a existé et tout retournera vers toi. Je te bénirai donc et te glorifierai, toi, ainsi que l’Autogène et les éons, (toi qui es) Triade, Père, Mère, Fils, la Puissance parfaite. »

« Et (l’Homme parfait) installa son fils Seth sur le deuxième éon près du deuxième luminaire Oroïel. Dans le troisième éon fut ensuite installée la semence de Seth près du troisième luminaire Daveïthaï. (Là) furent installées les âmes des saints. Dans le quatrième éon enfin furent installées les âmes de ceux qui sont ignorants du plérôme et n’ont pas été prompts à se repentir mais sont restés temporairement (dans cet état) puis se sont repentis. (Ces âmes) ont été (installées) auprès du quatrième luminaire Éléleth. Ce sont des créatures qui rendent gloire à l’invisible Esprit.

« Donc, Sophia d’Épinoia, étant un éon, conçut une pensée issue d’elle-même ainsi que (de) la réflexion de l’invisible Esprit et (de) Prescience. Elle voulut manifester une ressemblance hors d’elle-même sans (que se soit exprimé) le bon vouloir de l’Esprit — il n’avait pas donné son accord — e[t sans] son conjoint ni (même) l’assentiment de ce dernier. Comme la face de sa masculinité n’avait pas donné son consentement, comme elle n’avait pas trouvé son partenaire, elle fit un signe d’assentiment sans le bon vouloir de l’Esprit et sans que son partenaire n’en ait eu connaissance. Elle sortit à cause de la force irrésistible qui est en elle. Sa réflexion ne fut pas improductive. Et apparut hors d’elle une œuvre imparfaite et différente de sa propre forme parce qu’elle l’avait faite sans son conjoint ; (cette œuvre) était non conforme à l’aspect de sa mère car elle avait une autre forme.

« Lorsque (Sophia) vit que (l’œuvre qu’avait produit) son désir, avait pris l’apparence contrefaite d’un serpent à face de lion et que ses yeux, ressemblaient aux feux flamboyants qui illuminent, elle la chassa loin d’elle, hors de ces lieux, afin qu’aucun des immortels ne la voit, car elle l’avait faite dans (un état) d’ignorance. Et elle l’entoura d’une nuée lumineuse et plaça un trône au milieu de la nuée afin que nul ne la voie, excepté l’Esprit Saint que l’on nomme “Mère des vivants”. Et elle lui donna le nom de Yaltabaôth. Il est le Premier Archonte, celui qui a pris une grande puissance à sa mère.

« Puis il s’écarta d’elle et s’éloigna des lieux où il avait été enfanté. Il s’empara (d’autres lieux et) se créa d’autres éons flamboyant d’un feu lumineux, ce qui existe (encore) maintenant. Et il s’unit à sa propre déraison et engendra pour lui-même des autorités. Le nom de la première est Athôth, que les générations appellent. [ . . . ]. La deuxième est Harmas, c’est-à-dire “[l’oil] de la jalousie”. La troisième est Kalila Oumbri. La quatrième est Yabêl. La cinquième est Adônaïou que l’on nomme (aussi) Sabaôth. La sixième est Kaïn, que les générations des hommes appellent le Soleil. La septième est Abel. La huitième est Abriséné. La neuvième est Yôbêl. La dixième est Armoupiéêl. La onzième est Melkheiradôneïn. La douzième est Bélias, c’est-à-dire le préposé au gouffre infernal. Et (le Premier Archonte) établit sept rois, un par firmament du ciel, sur les sept cieux et cinq sur le gouffre de l’abîme, pour y régner. Et il répartit sur eux de son feu, mais n’envoya pas (sur eux une part) de la puissance lumineuse qu’il avait prise à sa mère.

« Il est une obscurité ignorante, aussi lorsque la lumière s’est mélangée à l’obscurité, elle a illuminé l’obscurité. Mais l’obscurité se mélangeant à la lumière, a assombri la lumière. Et (le Premier Archonte) ne fut plus ni lumière ni obscurité, mais il fut affaibli.

« Cet Archonte affaibli possède trois noms : son premier nom est Yaltabaôth, le deuxième Saklas, le troisième Samael. Il est impie du fait de la folie qui l’habite. Il a en effet dit : « Je suis Dieu et il n’existe pas d’autre dieu à côté de moi ! », car il est ignorant de son origine, du lieu d’où il est venu.

« Et les (douze) archontes créèrent pour eux-mêmes sept puissances et (ces) puissances créèrent pour elles-mêmes anges chacune, jusqu’à atteindre trois cent soixante-cinq anges. Voici les corps (associés) aux noms. Le premier est Athôth, il a une face de mouton. Le deuxième est Élôaïou, il a une face d’âne. Le troisième est Astaphaïos, il a une fa[ce de hyè]ne. Le quatrième est Yaô, il a une fa[ce de drago]n à sept têtes. Le cinquième est Sabaôth, il a une face de dragon. Le sixième est Adônin, il a une face de singe. Le septième est Sabbédé, il a une face de feu lumineux. Telle est l’hebdomade du Sabbaton.

« Yaltabaôth possède en effet de multiples visages en plus de tous ceux (énumérées précédemment), de sorte qu’il peut imposer une apparence (spécifique) à eux tous, selon son bon plaisir. Étant au milieu des Séraphins, il a partagé avec eux son feu. C’est pour cette raison qu’il a été pour eux Seigneur, à cause de la puissance de la gloire qui lui vient de la lumière de sa Mère. C’est pour cette raison qu’il s’est lui-même proclamé Dieu, désobéissant ainsi au lieu d’où il était venu. Et (Yaltabaôth) unit aux puissances qui sont avec lui sept autorités issues de sa pensée. Et par sa parole cette (pensée) exista. Et il donna un nom à chaque autorité. Il commença par le haut. Le premier (nom) est Messianité auprès de la première (autorité), Athôth ; le deuxième est Pronoia, auprès de la deuxième, Élôaiô ; le troisième est Divinité, auprès de la troisième, Astraphaiô(s) ; le quatrième est Seigneurie, auprès de la quatrième, Yaô ; le cinquième est Royauté, auprès de la cinquième, Sanbaôth ; le sixième est Jalousie, auprès de la sixième, Adônein ; le septième est Sagesse auprès de la septième, Sabbateôn. Celles-là possèdent un firmament par ciel. Ces noms leur ont été donnés d’après la gloire des cieux en vue de la destruction de ces autorités. Alors que les noms qui leur ont été donnés par leur Engendreur en chef leur procurent autorité, les noms qui leur ont été donnés d’après la gloire des cieux sont pour elles cause de destruction et de réduction à l’impuissance. Ainsi donc, elles possèdent deux noms.

« (Yaltabaôth) a donc organisé pour lui-même toutes choses d’après la ressemblance des éons primordiaux qui avaient existé (auparavant), de sorte qu’il a créé ces (choses) selon l’aspect des (êtres) immortels, non qu’il ait lui-même contemplé les immortels, mais (parce que) la puissance qui est en lui, celle qu’il a dérobée à sa mère, a enfanté en lui l’image de la mise en ordre (du monde). Alors, voyant la création qui l’entoure ainsi que la foule des anges qui sont autour de lui (et) qui sont issus de lui, (Yaltabaôth) leur dit : “Moi, je suis un Dieu jaloux et il n’existe pas d’autre dieu en dehors de moi !” Mais en déclarant cela il signifie aux anges qui sont auprès de lui qu’il existe un autre dieu car si aucun autre n’existait, de qui serait-il jaloux ?


« La Mère commença alors à aller et venir. Elle avait perçu déficience lorsque l’éclat de sa lumière avait diminué. Et elle s’assombrit parce que son conjoint n’avait pas parlé d’une seule voix avec elle. »

Et moi (Jean) de dire : « Seigneur ! Que signifie “aller et venir ?” » Lui alors rit et dit « Ne pense pas que ce soit, comme l’a dit Moïse, (qu’elle allait et venait) au dessus des eaux. Non ! Mais lorsqu’elle vit le mal qui était arrivé et (la nature du) larcin que lui avait dérobé son fils, elle se repentit. Alors un oubli s’empara d’elle dans les ténèbres de l’ignorance et elle commença à manifester de la honte. Mais elle ne voulait pas revenir et elle en était en mouvement. Ce mouvement c’est le va et vient.

« L’impudent (Archonte) déroba donc une puissance à sa mère. Mais il était ignorant, et pensait que nul autre n’existait si ce n’est sa mère seule. Voyant donc la foule des anges qu’il avait créés il s’exalta au-dessus d’eux.

« Mais lorsque la mère comprit que l’ des ténèbres était imparfait, elle comprit du même coup que son conjoint n’avait pas parlé d’une seule voix avec elle. Elle se repentit, (versant) d’abondantes larmes. Et la prière de sa repentance fut entendue. Et le plérôme tout entier de l’invisible Esprit virginal intercéda en sa faveur. , l’Esprit Saint répandit sur elle ce qui provient du plérôme tout entier. En effet, ce n’est pas son conjoint qui est venu vers elle mais vint alors vers elle (ce) qui provient du plérôme afin de redresser sa déficience. Et elle fut enlevée non pas jusqu’à son propre (éon), mais au-dessus de son fils, de sorte qu’elle est dans le neuvième éon, jusqu’à ce qu’elle ait redressé sa déficience.

« Et une voix sortit de l’éon céleste supérieur (disant) “L’Homme existe ainsi que le fils de l’Homme”. Le Premier Archonte Yaltabaôth l’entendit et pensa que cette voix provenait de sa mère et ne comprit pas d’où elle était venue. Alors le Mère-Père saint et parfait, Pronoia parfaite, image de cet Invisible qu’est le Père de tout par qui tout a existé (et qui est) l’Homme primordial, les instruisit en manifestant son apparence sous une forme humaine.


« Alors l’éon tout entier du Premier Archonte trembla et les fondements de l’abîme furent agités et depuis les eaux qui se trouvent au dessus de la matière, la partie inférieure fut illuminée par la manifestation de l’image de cet (Homme primordial) qui s’était manifestée. Et lorsque toutes les autorités et le Premier Archonte regardèrent, ils virent que la totalité de la partie inférieure avait été illuminée et, grâce à la lumière, ils virent dans l’eau la figure de l’image.

« Et (Yaltabaôth) dit aux autorités qui sont auprès de lui : “Allons, créons un homme à l’image de Dieu et à notre ressemblance afin que l’image de celui-ci devienne pour nous lumière”. Et elles (le) créèrent à partir de leurs puissances respectives en fonction des caractéristiques qui leur avaient été données. Et chacune des autorités plaça (en lui) une caractéristique (conçue) d’après la figure de l’image qui leur était apparue, d’après sa (figure) psychique. (Yaltabaôth ?) créa une hypostase à la ressemblance du premier Homme parfait. Et (lui et ses autorités) dirent : “Nommons-le Adam afin que son nom devienne pour nous une puissance lumineuse.”

« Et les puissances commencèrent (à le créer). La première, Bonté, créa une âme d’os. La deuxième, Pronoia, créa une âme de nerf. La troisième, Divinité, créa une âme de chair. La quatrième, Seigneurie, créa une âme de moelle. La cinquième, Royauté, créa une âme de sang. La sixième, Jalousie, créa une âme de peau. La septième, Intelligence, créa une âme de cheveu. Alors la foule des anges se tint près de lui. Et Ils reçurent des autorités les sept supports de l’âme afin de faire l’assemblage des membres et l’assemblage du tronc ainsi que l’arrangement ordonné de chacun des membres.

« Le premier commença par créer la tête. Eteraphaôpe Abron créa son sommet ; Mêniggesstrôêth créa le cerveau ; Asterekhmên, l’oil droit ; Thaspomokham, l’oil gauche. Iéronumos, l’oreille droite ; Bissoum, l’oreille gauche ; Akiôreim, le nez ; 16 Banên Ephroum, les lèvres ; Amên, les dents ; Ibikan, les molaires ; Basiliadêmê, les amygdales ; Akhkha, la luette. Adaban (créa) le cou ; Khaaman, la colonne vertébrale ; Dearkhô, la gorge ; Têbar, l’épaule droite ; N[ . . . . . ] l’épaule gauche ; Mniarkhôn, le coude droit ; [ . . . ]e le coude gauche ; Abitriôn, l’avant-bras droit ; Euanthên, l’avant-bras gauche ; Krus, la main droite ; Bêluai, la main gauche ; Trêneu, les doigts de la main droite ; Balbêl, les doigts de la main gauche ; Krima, les ongles des mains ; Astrôps, le sein droit ; Barrôph, le sein gauche ; Baoum, l’aisselle droite ; Ararim, l’aisselle gauche ; Arekh, le ventre ; Phthauê, le nombril ; Sênaphim, l’abdomen ; Arakhethôpi, les côtes droites ; Zabedô, les côtes gauches ; Barias, la hanche droite ; Phnouth, la hanche gauche . Abênlenarkhei (créa) la moelle ; Khnoumeninorin, les os ; Gêsole, l’estomac ; Agromauma, le cour ; Banô, le poumon ; Sôstrapal, le foie ; Anêsimalar, la rate ; Thôpithrô, les intestins ; Biblô, les reins ; Roerôr, les nerfs ; Taphreô, l’épine dorsale du corps ; Ipouspobôba, les veines ; Bineborin, les artères ; Aatoimenpsêphei [ ]. À eux sont les souffles qui sont dans tous les membres. Enthollei (créa) la chair tout entière ; Bedouk la fesse droite ; Arabêei, la : < . . . . . . . > le pénis ; Eilô, les testicules ; Sôrma, les parties honteuses ; Gormakaiokhlabar, la cuisse droite ; Nebrith, la cuisse gauche ; Psêrêm, le rein (?) {de la jambe} droit ; Asaklas, le rein (?) gauche ; Ormaôth, la jambe droite ; Emêmun, la jambe gauche ; Knux, le tibia droit ; Tupêlon, le tibia gauche ; Akhiêl, le genou droit ; Phnêmê, le genou gauche ; Phiouthrom, le pied droit ; Boabel, ses orteils ; Trakhoun, le pied gauche ; Phikna, ses orteils ; Miamai, les ongles du pied ; Labernioum [ ].


« Quant à ceux qui ont été institués sur tous ceux-là ils sont sept : Athôth, Armas, Kalila, Yabêl, Sabaôth, Ka[ïn, Ab]el. Ceux qui agissent de façon spécifique dans les membres sont : dans la tête, Diolimodraza ; dans le cou, Yammeax ; dans l’épaule droite, Yakouib ; dans l’épaule gauche, Ouertôn ; dans la main droite, Oudidi ; dans la gauche, Arbao ; dans les doigts de la main droite, Lampnô ; dans les doigts de la main gauche, Lêekaphar ; dans le sein droit, Barbar ; dans le sein gauche, Imaê ; dans la poitrine, Pisandiaptês ; dans l’aisselle droite, Koadê ; dans l’aisselle gauche, Odeôr ; dans les côtes droites, Asphixix ; dans les côtes gauches, Sunogkhouta ; dans le ventre, Arouph ; dans la matrice, Sabalô ; dans la cuisse droite, Kharkharb ; dans la cuisse gauche, Khthaôn ; dans toutes les parties honteuses, Bathinôth ; dans la jambe droite, Khoux ; dans la jambe gauche, Kharkha ; dans le tibia droit, Aroêr ; dans le tibia gauche, Tôekhtha ; dans le genou droit, Aôl ; dans le genou gauche, Kharanêr ; dans le pied droit, Bastan ; dans ses orteilles, Arkhentekhtha ; dans le pied gauche, Marephnounth ; dans ses orteils, Abrana.

« Les sept qui ont pouvoir sur tous ceux-là sont : Mikhaêl, Ouriêl, Asmenedas, Saphasatoêl, Aarmouriam, Rikhram, Amiôrps. Celui qui est préposé aux sensations est Arkhendekta ; le préposé à la perception, Deitharbathas ; le préposé à l’imagination, Oummaa ; le préposé à l’assentiment, Aakhiaram, et le préposé à toute impulsion, Riaramnajhô.


« La source des démons qui (habitent) le corps entier se compose de quatre (principes) : chaud, froid, humide et sec. Leur mère à tous est la matière. Celui qui gouverne sur le chaud est Phloxopha ; celui qui gouverne sur le froid, Oroorrothos ; celui qui gouverne sur le sec, Erimaxô et celui qui gouverne sur l’humide, Athurô. La mère de tous ceux-là, Onorthokhras, se tient au milieu d’eux ; elle est illimitée et se mélange avec eux tous ; et elle est véritablement la matière car c’est par elle qu’ils sont nourris.

« Les quatre chefs (des) démons sont Ephememphi, affecté au plaisir, Yôkô, au désir, Nenentôphni, à la peine et Blaomên à la crainte. Leur mère à tous est Esthêsis-oukh-epiptoê. De ces quatre démons proviennent des passions. De la peine, proviennent envie, jalousie, douleur, ennui, rivalité, insensibilité, anxiété, souci, affliction, etc. Du plaisir proviennent de nombreux vices ainsi que la vanité et ce qui y ressemble. Du désir proviennent colère, irritation, am[ertume], passion amère et insatisfaction, et ce qui y ressemble. De la crainte (proviennent) terreur, perplexité, angoisse et honte. Toutes ces (passions) sont aussi bien utiles que nuisibles. Quant à la notion (qui résume) leur réalité, c’est Anarô, la tête de l’âme matérielle, car elle se trouve avec les 7 sens, Esthêsis-oukh-epiptoê.

« Voici le nombre des anges : au total ils sont trois cent soixante cinq. Tous ouvrèrent au corps psychique et matériel jusqu’à ce qu’ils l’aient achevé (membre) par membre. Il existe en effet d’autres (anges) affectés (chacun) à une passion supplémentaire dont je ne t’ai pas parlé. Si cependant tu désires les connaître, c’est écrit dans le livre de Zoroastre. Tous ces anges et démons ouvrèrent donc jusqu’à ce qu’ils aient mis en ordre le corps psychique. Et leur œuvre demeura totalement inactive et immobile pendant longtemps.

« Lorsque la Mère voulut (re)prendre la puissance qu’elle avait donnée au Premier Archonte, elle adressa une supplique au Mère-Père de toute chose dont la miséricorde est grande. Il envoya cinq illuminateurs, par décision sainte, sur le lieu des anges du Premier Archonte. (Ces illuminateurs) le conseillèrent dans le but d’extirper la puissance de la Mère et dirent à Yaltabaôth : “Souffle dans son visage de l’Esprit qui est tien et son corps se mettra debout !” Et il souffla dans son visage son esprit — c’est-à-dire la puissance de sa Mère — (mais) ne comprit pas (la portée de son geste) car il est ignorant. Alors la puissance de la Mère passa de Yaltabaôth au corps psychique qui avait été fabriqué à la ressemblance de celui qui existe depuis le commencement. Ce corps (psychique) se mut, acquit puissance et fut lumineux.

« À ce moment, les autres puissances devinrent jalouses (de Yaltabaôth), car c’était aussi par elles toutes que (l’homme) avait existé ; elles lui donnèrent leur puissance et son intelligence devint alors supérieure à celle de ses créateurs et supérieure à celle du premier Archonte. Lorsque (l’Archonte et ses puissances) comprirent qu’il était lumineux, qu’il leur était supérieur par la pensée et qu’il s’était dépouillé du mal, ils le prirent et le chassèrent vers la partie la plus basse de toute la matière.

« Alors, le bienheureux Mère-Père, bienfaisant et compatissant, manifesta sa compassion envers cette puissance de la Mère qui avait été soustraite au premier Archonte car (ses puissances) exercent encore leur pouvoir sur le corps psychique et sensible. (Le Père-Mère) envoya alors, par l’intermédiaire de son Esprit bienfaisant et plein de pitié, comme aide pour Adam, Épinoia de lumière celle qui provient du (Père-Mère et) que l’on a nommée “Vie”. C’est elle qui porte secours à la création entière, qui peine avec lui (Adam) et le restaure dans sa perfection, qui l’instruit de la descente de sa semence en l’instruisant du chemin du retour, chemin par lequel il est descendu. Et Épinoia de la lumière est cachée en Adam pour que les archontes ne perçoivent pas (sa présence) mais aussi pour qu’Épinoia devienne (l’agent du) redressement de la déficience de la Mère.

« Alors l’Homme devint visible à cause de l’ombre de la lumière qui est en lui. Et sa pensée fut supérieure à (celle de) tous ses créateurs. Lorsqu’ils regardèrent, ils virent que sa pensée était supérieure. Et ils tinrent conseil avec toute (l’armée) archontique et angélique. Ils prirent du feu, de la terre et de l’eau, les mélangèrent ensemble avec les quatre vents de feu, les associèrent ensemble et provoquèrent une grande confusion. Et ils entraînèrent (Adam) à l’ombre de la mort afin de remodeler à partir de la terre, de l’eau, du feu et du souffle, celui qui provient de la matière, c’est-à-dire de l’ignorance ténébreuse, du désir et de leur esprit contrefait. Voilà ce qu’est le tombeau du remodelage du corps ! Ce que les brigands ont imposé à l’homme, c’est le lien de l’oubli ; et celui-ci est devenu un homme mortel. Telle est la descente primordiale et la séparation primordiale ! Mais Épinoia de la lumière qui est en lui, c’est elle qui éveillera sa pensée !

« Et les archontes le prirent. Ils le placèrent dans le Paradis et lui dirent : “Mange !” c’est-à-dire : “(mange) dans l’oisiveté !” Car, assurément, leurs délices sont amères et leur beauté perverse. Leurs délices sont tromperie et leurs arbres, impiété. Leur fruit est un poison qui n’apporte pas la guérison et leur promesse est mort.
C’est l’arbre de leur vie qu’ils ont placé au milieu du paradis.

« Mais moi, je vous enseignerai quel est le mystère de leur vie, c’est-à-dire le projet qu’ils ont fait ensemble de (fabriquer) la ressemblance de leur esprit. (Cet arbre) est celui dont la racine est amère et dont les branches sont mort. Son ombre est haine et il y a de la tromperie dans ses feuilles. Sa fleur est l’onction de la perversité et son fruit la mort. Sa semence est désir et fleurit dans l’obscurité. Ceux qui goûtent à cet (arbre), leur lieu de séjour est l’Hadès et l’obscurité leur lieu de repos.

« Quant à celui qu’ils ont appelé “l’arbre de connaissance du bien et 5 du mal”, c’est Épinoia de la Lumière, celle qu’ils ont bannie de la présence (de l’homme) afin qu’il ne regarde pas en haut vers sa plénitude et ne connaisse pas la nudité de sa honte. Mais c’est Moi qui les ai redressés pour qu’ils mangent. »

Je dis alors au Sauveur : « Seigneur ! N’est-ce pas le serpent qui a enseigné à Adam à manger ? » Le Sauveur sourit (et) dit : « Le serpent leur a (seulement) enseigné à manger, par vice, le désir de procréation (et) de corruption, afin que (l’homme) lui soit utile. Et (le Premier Archonte) sut qu’(Adam) lui désobéissait à cause de la lumière d’Épinoia qui est en lui et qui rend sa pensée supérieure à celle du Premier Archonte. Alors (l’archonte) voulut reprendre la puissance qu’il lui avait donnée (en la prélevant) sur lui-même. Et il amena un oubli sur Adam. »

Et je dis au Sauveur : « Qu’est-ce que l’oubli ? » Alors il me dit : « Ce n’est pas (à comprendre) comme Moïse l’avait écrit (et comme) tu l’as entendu — Il a en effet dit dans son premier livre : “Il le fit dormir” — mais (c’est à comprendre) de ses perceptions. Car (l’Archonte) a également dit par l’intermédiaire du prophète : “J’appesantirai leurs cœurs pour qu’ils ne comprennent ni ne voient” (Is 6:10).

« Épinoia de la lumière se cacha alors en lui (Adam) et le Premier Archonte voulut l’en faire sortir au moyen de la côte d’(Adam). Mais comme Épinoia de la lumière est un être insaisissable, l’obscurité qui la poursuivait ne la saisit pas. Alors (le Premier Archonte) fit sortir d’(Adam) une partie de sa puissance et créa un autre modelage, en forme de femme, à la ressemblance d’Épinoia qui s’était manifestée à lui. Et il plaça dans le modelage féminin la partie qu’il avait soustraite à la puissance de l’homme et non pas comme l’a dit Moïse : “la côte de celui-ci”.


« Et il (Adam) vit la femme à ses côtés. À ce moment, Épinoia de la lumière se manifesta afin de retirer le voile qu’il avait sur le cœur et il fut dégrisé de l’ivresse de l’obscurité. Et il connut sa co-essence. Et il dit : “C’est maintenant un os de mes os et de la chair de ma chair !”. C’est pourquoi, l’homme quittera son Père et sa Mère et s’unira à sa femme, et ils deviendront, eux deux, une chair unique parce que le conjoint d’(Adam ?) lui sera envoyé et (qu’)il quittera son père et sa mère. {}.

« Quant à notre sœur Sophia, elle est celle qui est descendue en innocence afin de corriger sa propre déficience. C’est pour cela qu’on l’a appelée “Vie”, c’est-à-dire “la mère des Vivants”. Par (décision de) la Pronoia de la Souveraineté céleste et par (l’intervention) de celle-ci, ils goûtèrent la connaissance parfaite. Moi, (le Sauveur), je me suis manifesté sous l’aspect d’un aigle, au-dessus de l’arbre de la connaissance — c’est-à-dire (au-dessus de) l’Épinoia venue de Pronoia, la lumière pure, — afin de les instruire et de les éveiller de (leur) profond sommeil, car ils étaient tous les deux dans un état de déchéance. Ils (Adam et sa femme) prirent conscience de leur nudité. Et Épinoia qui est lumière se manifesta à eux pour éveiller leur pensée.

« Lorsque Yaltabaôth comprit que (l’homme et la femme) s’écartaient de lui, il maudit sa terre. Il trouva la femme se préparant pour son époux, car il était son maître, (mais) sans connaître le mystère qui s’était produit par décision sainte. Mais eux eurent peur de le blâmer. Alors il révéla à ses anges l’ignorance qui est sienne et chassa l’(homme et la femme) du paradis et les revêtit d’épaisses ténèbres. Et le Premier Archonte vit la vierge qui se tenait avec Adam, et (vit aussi) qu’Épinoia, la lumière vivante, se manifestait en elle. Alors Yaltabaôth fut rempli d’ignorance. Mais lorsque la Pronoia de toute chose eut connaissance de (cela), elle envoya des (anges) et il arrachèrent Vie hors d’Ève.

« Et le Premier Archonte souilla cette (dernière). Il engendra d’elle deux fils, le premier et le second : Eloïm et Yaoué. Eloïm est à visage d’ours et Yaoué à visage de chat. L’un est juste, l’autre est injuste. Yaoué est juste et Eloïm injuste. (Le Premier Archonte) établit Yaoué sur le feu et le vent et établit Eloïm sur l’eau et la terre. À ceux-là il donna les noms que voici : Caïn et Abel, montrant (ainsi) sa fourberie.

« Jusqu’à aujourd’hui l’union sexuelle (instituée) par le Premier Archonte a duré. Il a semé un désir de procréation dans la (compagne) d’Adam. Il a ainsi produit, par le biais de l’union sexuelle, l’engendrement de l’image corporelle et a placé (les hommes) sous l’influence de son esprit contrefait.

« Quant aux deux archontes (Yaoué et Eloïm), il les a établis sur (les) éléments afin qu’ils gouvernent sur le tombeau. Lorsque Adam eut connu l’image de sa propre prescience, il engendra l’image du fils de l’homme (et) la nomma : “Seth”. À la manière de la génération qui est dans les éons, l’autre Mère envoya en bas son Esprit (qui est) l’image qui lui ressemble et une copie de ce qui est dans le plérôme, de façon à préparer un lieu d’habitation pour les éons qui descendront. Et (cet Esprit) fit boire aux hommes une eau d’oubli en provenance du Premier Archonte, afin qu’ils ne sachent plus qu’elle est leur origine. Et telle fut la situation de la semence que (cet Esprit) assiste pour un temps afin que lorsque viendra l’Esprit en provenance des éons saints, il restaure cette (semence) et la guérisse de la déficience afin que le plérôme entier (re)devienne saint et sans déficience. »

Je dis alors au Sauveur : « Seigneur ! Toutes les âmes seront donc sauvées dans la lumière pure ? » Il répondit et me dit : « Grandes sont les choses auxquelles ta pensée a eu accès, car il est difficile de les révéler à d’autres qu’à ceux qui appartiennent à la race inébranlable. Ces (âmes) sur qui l’Esprit de vie viendra et demeurera avec le puissance seront sauvées et deviendront parfaites et seront dignes des grandeurs. Et elles seront purifiées dans ce lieu de tout mal et des soucis de la perversité, car elles ne se soucient de rien d’autre que de l’incorruptibilité seule, s’occupant de celle-ci depuis ici (bas), sans colère, ni jalousie, ni crainte, ni désir, ni aucun besoin. Elles n’étaient affectées par aucune de ces (passions), mais seulement par la condition charnelle qu’elles supportent, en guettant le moment où elles seront accueillies par les receveurs. (Agissant) ainsi, celles-ci sont dignes de la vie incorruptible (et) éternelle et de l’appel. Elles endurent tout, supportent tout pour mener à sa perfection le combat et hériter de la vie éternelle. »


Je lui dis : « Seigneur ! Les âmes qui n’ont pas fait cela, (mais) sur qui la puissance et l’Esprit de vie sont descendus, seront-elles re[jetées] ? » Il répondit et me dit : « Si l’Esprit est descendu sur elles, en tout état de cause elles seront sauvées et changeront (de lieu). La puissance descend en effet sur tout homme car sans elle personne ne pourrait se tenir debout. C’est après que (les hommes) ont été engendrés que l’Esprit de vie croît et (que) la puissance vient et fortifie cette âme et rien ne peut l’égarer dans les oeuvres de perversité. (Au contraire) celles sur qui descend l’Esprit contrefait sont attirées par celui-ci et tombent dans l’erreur. »

Je dis : « Seigneur ! Les âmes de ceux-ci, lorsqu’elles sortiront de leur chair, où iront-elles ? » Mais lui, rit et me dit : « L’âme en qui la puissance deviendra plus forte que l’Esprit contrefait, celle-là est vigoureuse et fuit la perversité ; elle est alors sauvée par la visite incorruptible et accède au repos des éons. »

Je dis alors : « Seigneur ! Alors, ceux qui n’ont pas su à qui ils appartenaient, où seront leurs âmes ? » Il me dit : « Un Esprit contrefait a fait pression sur ceux-ci quand ils sont tombés dans l’erreur et il accable l’âme, l’oriente vers les œuvres perverses et la précipite dans l’oubli. Et après qu’elle est sortie (du corps), elle est livrée aux autorités qui relèvent de l’Archonte et (ces autorités) l’attachent avec des liens et la jettent dans la prison. Alors (ces autorités) tournent avec elle jusqu’à ce qu’elle s’éveille de l’oubli et acquiert la connaissance. Et atteignant de cette façon la perfection, elle est sauvée. »


Je dis alors : « Seigneur ! Comment l’âme peut-elle redevenir petite et retourner dans le sein de sa mère ou dans l’homme ? » À ma question, il se réjouit et me dit : « En vérité, tu es bienheureux car tu as compris ! Cette âme est destinée à suivre une autre (âme) qui a l’Esprit de vie en elle. Cette (âme) est sauvée par (l’intervention de) cette (autre et) n’est pas jetée dans une autre chair. »

Je dis : « Seigneur ! Ceux qui ont accédé à la connaissance et s’(en) sont détournés, où iront leurs âmes ? » Alors il me dit : « Là où vont les anges de la pauvreté, c’est dans ce lieu qu’ils seront conduits, un lieu où il n’y a pas de repentir. Et ils seront gardés en vue du jour où ils seront torturés. Ceux qui ont blasphémé l’Esprit seront châtiés d’un châtiment éternel. »

Je dis alors : « Seigneur ! D’où est venu l’Esprit contrefait ? » Il me dit alors : « Le Mère-Père riche en miséricorde, Esprit Saint (présent) en toutes formes, miséricordieux et compatissant envers vous, (lui) qui n`est autre que l’Épinoia de la Pronoia de lumière, fit se lever la semence de la race parfaite en même temps que sa Pensée et que la lumière éternelle de l’Homme. Lorsque le Premier Archonte comprit qu’ils lui étaient devenus supérieurs par l’éminence (de leur sagesse) et qu’ils le surpassaient en pensée, il voulut s’emparer de leur discernement, ignorant que c’est par la Pensée qu’ils lui sont supérieurs et qu’il sera incapable de s’emparer d’eux.

« (Le Premier Archonte) tint conseil avec ses autorités — qui sont ses puissances — et ils commirent ensemble un adultère avec Sophia. Et fut engendrée par eux une amère Fatalité qui est le dernier lien versatile et dont la nature est de faire osciller d’une chose à l’autre. Elle est si dure et si puissante que c’est à elle que les dieux, les anges, les démons et toutes les générations ont été associées, jusqu’à ce jour. C’est en effet de cette Fatalité qu’ont découlé toute faute, ainsi que l’injustice, le blasphème associé au lien de l’oubli, l’ignorance, tout précepte écrasant associé à ces transgressions écrasantes et à ces grandes frayeurs. Et c’est ainsi que toute la création a été rendue aveugle de sorte que (les créatures) ne connaissent pas le Dieu qui est supérieur à elles toutes. Et du fait du lien de l’oubli leurs péchés (leur) ont été cachés car ils ont été liés à des mesures, des temps et des moments, car cette (Fatalité) domine sur toutes choses.

« Et (le Premier Archonte) se repentit de toute l’œuvre qu’il avait faite. Il tint à nouveau conseil afin d’envoyer un déluge sur la création de l’homme. Mais la grandeur de la lumière de Pronoia instruisit Noé qui l’annonça à la semence entière, c’est-à-dire aux fils des hommes. Mais ceux qui lui sont étrangers ne l’écoutèrent pas. Cela ne se passa pas comme Moïse l’a dit : “Ils se cachèrent dans une arche”(Gn 7:7), mais ils se cachèrent dans un lieu, pas seulement Noé, mais aussi de nombreux hommes de la race inébranlable. Ils allèrent vers un lieu et se cachèrent dans un nuage de lumière. Et (Noé) connut l’autorité (de Pronoia) et que celle qui provient de la lumière était avec lui, elle qui avait brillé pour eux parce que (le Premier Archonte) avait envoyé l’obscurité toute la terre.

« Puis (le Premier Archonte), tint conseil avec ses puissances. Il envoya ses anges vers les filles des hommes afin qu’ils prennent pour eux (certaines) d’entre elles et suscitent une semence pour leur satisfaction. Mais ils n’y parvinrent pas la première fois. N’y étant pas parvenus, ils se réunirent à nouveau tous ensemble pour tenir conseil une nouvelle fois et créèrent un Esprit contrefait à la ressemblance de l’Esprit qui était descendu, afin de souiller les âmes par son entremise. Alors les anges prirent l’apparence (humaine) de celles-ci, en prenant l’apparence de leurs conjoints, les remplissant de l’esprit de ténèbres qui avait été mélangé à eux-mêmes, ainsi que de perversité. Ils apportèrent de l’or, de l’argent, un présent, du bronze, du fer, du métal et toutes sortes de choses de ce genre. Et ils entraînèrent dans de grands soucis les hommes qui les avaient suivis, les égarant dans de multiples erreurs. Ils vieillirent sans connaître de repos. Ils moururent sans avoir atteint de vérité ni connu le Dieu de la Vérité et c’est ainsi que la création entière fut tenue en un esclavage perpétuel depuis la fondation du monde jusqu’à maintenant. Et ayant pris des épouses ils engendrèrent des fils issus de l’obscurité, à la ressemblance de leur Esprit et ils fermèrent leurs cœurs et les endurcirent de la dureté de l’Esprit contrefait, jusqu’à maintenant.

« Moi, la Pronoia parfaite de toute chose je me suis changée en ma semence. Comme j’existais en premier, c’est moi qui fais route en toute voie. Je suis la richesse de la lumière, je suis la mémoire du plérôme mais j’ai aussi fait route dans les ténèbres immenses.

« Je me suis avancée jusqu’à atteindre le milieu de la prison et les fondations du chaos furent ébranlées. Alors moi, je me suis cachée d’eux à cause de leur malice et ils ne m’ont pas reconnue.

« À nouveau je suis retournée pour la deuxième fois et j’ai fait route. J’ai quitté (les Éons) de la lumière, moi qui suis la mémoire de Pronoia, je me suis introduite dans le milieu des ténèbres et à l’intérieur de l`Amenté/Hades, souhaitant accomplir ma tâche. Alors les fondations du Chaos furent ébranlées, sur le point de tomber sur ceux qui sont dans le Chaos et de les détruire. Alors, à nouveau, je me suis enfuie vers ma racine de lumière afin de ne pas les détruire avant le temps (fixé).

« Une troisième fois encore j’ai fait route, moi qui suis la lumière existant dans la lumière, moi qui suis la mémoire de Pronoia, afin de m’introduire dans le milieu des ténèbres et à l’intérieur de l’Amenté/Hades. J’ai rempli mon visage de la lumière de la complétude dans leur éon et je me suis introduite au milieu de leur prison, c’est-à-dire de la prison du corps et j’ai dit : “Que celui qui entend se lève du sommeil profond !” Alors il pleura et versa de profonds sanglots. Il essuya ses (larmes) et dit : “Qui prononce mon nom et d’où m’est venu cet espoir alors que je suis dans les liens de la prison ?” Et je lui ai dit : “Je suis la Pronoia de la lumière pure, je suis la Pensée de l’Esprit virginal, celle qui te restaure en un lieu d’honneur. Lève-toi et souviens-toi que tu es celui qui a entendu et suis ta racine, moi qui suis compatissante, et garde-toi des anges de la pauvreté ainsi que des démons du Chaos et de tous ceux qui t’entravent. Et demeure éveillé hors du sommeil profond et de la chape (qui couvre) l’intérieur de l’Amenté/Hades.”

« Alors je l’ai fait se lever et je l’ai scellé dans la lumière de l’eau, au moyen des cinq sceaux, pour que la mort soit sans pouvoir sur lui à partir de cet instant.

« Et voici que maintenant je vais remonter vers l’Éon parfait. J’ai achevé (de faire entendre) toutes ces choses à tes oreilles. Mais je t’ai (aussi) dit tout cela pour que tu le mettes par écrit et le transmettes en secret à ceux qui partagent le même Esprit que toi, car ce mystère est celui de la race inébranlable. »

Et le Sauveur lui a transmis cela pour qu’il le mette par écrit et le conserve en sécurité. Alors il lui dit : « Maudit soit quiconque échangera ces (paroles) contre un présent ou contre de la nourriture ou contre de la boisson ou contre un vêtement ou quelque chose d’autre du même genre. » Cela lui a été confié mystérieusement. Et (le Sauveur) devint aussitôt invisible pour lui. Alors il (Jean) vint vers ses condisciples et leur rapporta ce que le Sauveur lui avait dit.

Jésus Christ, Amen.

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